xSilence (France)
October 11, 2005

Idaho
The Lone Gunman
Talitres Records

Ça y est, Jeff Martin est définitivement parti.
Ailleurs.
Sans doute loin de tout.
Complètement replié sur lui-même, l'homme à la base d'Idaho s'évade au-delà de tout horizon. Ses chansons (il y a dix-sept plages cette fois-ci) ne ressemblent plus à rien, non pas suite à une destructuration, mais par l'absence même de structure, d'ossature pour être précis. Ces sortes de plages sonores sont comme molles, étirables, vaporeuses. Bien souvent les guitares sont bannies, remplacées par des larsens lointains, tandis que le piano compose l'essentiel des mélodies, tout juste appuyées de ci, de là par une boite à rythmes ou des touches d'electronica samplées. Et encore, les mélodies apparaissent fugacement, elles n'ont pas le temps de se laisser saisir qu'elles s'éteignent progressivement ou qu'elles se font remplacer par d'autres, comme si elles fusionnaient entre elles.

Jeff Martin, à l'origine de toute cette atmosphère, ne chante quasiment plus, préférant murmurer ou fredonner de sa chaude voix. Ces râles tendres et plaintifs traversent tendrement ces nuages mélancoliques. Allant encore plus loin dans l'expérimentation débutée sur Levitate (paru quatre ans plus tôt), Jeff Martin abandonne toute idée de rock classique, remisant tout format au placard et préférant côtoyer le sublime et le méditatif.

Sa douce musique joue de l'étirement, de l'apaisement, usant beaucoup du laconisme et de la sobriété de ses arrangements. Jamais le son n'a été rendu aussi beau que lorsque il est appuyé par ses silences et ses dépouillements. Les éléments se déforment jusqu'à composer une sorte de barbe à papa sucrée et raffinée. On pourrait croire à un retrait et on aurait à moitié tort, tant Jeff Martin semble ces dernières années se désintéresser de la communication facile avec le monde qui l'entoure. En effet, ses productions sont de moins en moins fréquentes, ses concerts de plus en plus erratiques, et ses préoccupations commerciales inexistantes. D'ailleurs, il aura fallu faire appel au label français Talitre Records pour assurer la diffusion de ce dixième opus.

Débarrassé volontairement de toute échéance, l'enregistrement, souvent à la maison, s'est étalé sur 2 ans : Jeff Martin joue de tous les instruments et ne se fait aider à la production que par son meilleur ami John Berry, vieux compère de toujours.

Autrement, la musique d'Idaho est telle qu'elle ressemble à un art aussi fragile que très personnel. Pourtant l'accès n'est absolument pas fermé. The Lone Gunman est sans doute très déroutant, long en bouche, mais c'est l'œuvre la plus introspective de Jeff Martin. En cela elle constitue une invitation à pénétrer dans l'univers personnel de cet homme. On y découvre une âme torturée, mélancolique et désenchantée. Mais on se surprend aussi à s'attacher à cette tendresse, à cette humanité qui se dégage à tous les niveaux. Ces ambiances sont subtiles, pleines d'émotions et de tranquillité. On vire élégamment vers un esthétisme léthargique, conférant le sentiment d'une liberté absolue.

Perdu dans ces délires, on n'a ensuite beaucoup de mal à vouloir revenir à la réalité.

Bon 15/20

par Vic

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